02 avril 2024

Un nouvel outil de gestion de la population en pharmacie

Jusqu'à présent, les pharmaciens manquent d’outils pour les exploiter adéquatement. Le nouveau « baromètre du diabète » va changer la donne en permettant aux pharmaciens de gérer les soins aux patients, tout en améliorant leur qualité.

Le Dossier Pharmaceutique Partagé contient des renseignements précieux sur les patients et leurs antécédents médicamenteux, mais les pharmaciens manquent d’outils pour les exploiter adéquatement. Le nouveau « baromètre du diabète » va changer la donne en permettant aux pharmaciens de gérer les soins aux patients, tout en améliorant leur qualité. Marie Van de Putte, Doctor Assistant Population Health Management and Integration à la KULeuven et au sein de Zorgzaam Leuven, et Manon Buyl, pharmacienne experte en données et innovation en soins de santé à l’APB, nous en disent plus sur les origines du projet, la collaboration et l’avenir.

 

Pourquoi la gestion de la population et pourquoi un baromètre ?

Marie Van de Putte : Les maladies chroniques telles que le diabète et les maladies cardiovasculaires sont une bombe à retardement pour la santé publique. Avec le cancer, elles sont la première cause de décès en Belgique, alors qu’elles sont souvent évitables par la prévention et un traitement adéquat. En tant que pharmaciens ou médecins généralistes, nous agissons de manière réactive, lorsque le patient nous sollicite. La gestion de la population (People Health Management - PHM) peut nous aider à être plus proactifs. En collaboration avec l’Academisch Centrum Huisartsgeneeskunde (ACHG) de la KU Leuven, l’asbl Farmaflux a développé le « baromètre du diabète », le 1er outil de PHM qui visualise les données des délivrances dans un tableau de bord.

Comment ce baromètre a-t-il vu le jour ?

Manon Buyl : Tout est parti du consortium Data4PHM (1). Nous réfléchissons à la cartographie des données de santé et socio-économiques. Si nous pouvons cartographier les données d’une population diabétique et identifier les lacunes dans les soins, nous pouvons intervenir de manière beaucoup plus ciblée pour les améliorer.

Utilisez-vous des indicateurs spécifiques pour cela ?

Manon : Pour ce baromètre, nous avons utilisé l’historique des délivrances de la pharmacie des 12 derniers mois et sélectionné les patients qui sont venus chercher au moins 1 médicament contre le diabète (ATC classe A10). Nous avons ainsi identifié la population diabétique. Ensuite, nous avons commencé à travailler concrètement avec 3 indicateurs. Le premier, « Pharmacien de référence », indique le nombre de patients parmi la population diabétique fréquentant la pharmacie qui bénéficient de ce service. Les deux autres indicateurs sont « Pharmacien de référence et produits hypocholestérolémiants » et « Pharmacien de référence et 40+ vaccination antigrippale ».

Y a-t-il un label de qualité qui y est attaché ?

Marie : Nous tenions à ce que nos indicateurs soient d’excellente qualité et nous les avons donc fait développer par le biais d’une étude indépendante au sein de la KU Leuven, en collaboration avec le Cebam, le Centre belge pour l’EvidenceBased Medicine, un institut scientifique médical indépendant, multidisciplinaire et interuniversitaire. Ainsi, l’asbl Farmaflux garantit aux pharmaciens que le baromètre répond aux normes de qualité les plus élevées, ce qui est essentiel pour leur confiance.

Comment l’APB est-elle impliquée dans ce projet ?

Manon : Via l’asbl FarmaFlux. De plus, l’APB participe à un panel aux côtés d’autres parties prenantes. Nous avons également comblé l’écart avec les PaysBas, pays bien plus avancé en termes de développement d’indicateurs de qualité. Nous avons des leçons à tirer de leur expérience, même si, d’un autre côté, ils n’ont pas encore de baromètre pour faire du PHM au sein d’une certaine population. Nous échangeons donc notre savoir-faire.

Où en êtes-vous dans le développement du baromètre du diabète ?

Marie : Le baromètre des pharmaciens est actuellement testé par le BAF au sein du Living Lab Zorgzaam Leuven auprès de 38 pharmaciens. Le projet a démarré en octobre 2023, avec une première collecte et un traitement des données en novembre. Les pharmaciens participants ont alors reçu une visualisation des données sur le diabète de leur propre population de patients. Au début du mois de février 2024, ils ont reçu le tableau de bord avec toutes les données anonymisées et agrégées des 38 pharmaciens. Leurs réactions ont été très positives.

Pourquoi les données d’autres pharmaciens ?

Manon : Pour que, dans une même région, ils puissent se comparer les uns aux autres et voir où améliorer des choses. C’est aussi une invitation à échanger : pourquoi ça se passe mieux chez certains, quels trucs et astuces pour mieux conseiller et guider les patients... A ce jour, nous avons déjà organisé deux moments d’intervision réussis avec les pharmaciens participants.

Qu’en est-il du dialogue avec les médecins généralistes ?

Marie : Bien que nous soyons au début de la phase pilote et que le baromètre ne soit pas encore parfait, nous voyons que les pharmaciens sont plus enclins à dialoguer avec des médecins généralistes qui utilisent aussi un baromètre du diabète. Le tandem pharmacien/généraliste est crucial pour améliorer la prise en charge du diabète. Si le baromètre indique que seulement la moitié de vos patients diabétiques a été vaccinée contre la grippe, vous en parlez avec les médecins généralistes impliqués.

Qu’en est-il de la confidentialité des données des patients ?

Marie : Lors de la réunion de l’équipe de quartier, que l’on pourrait comparer à une CMP, il n’est jamais question de patients individuels. Les pharmaciens ne parleront donc pas de la couverture vaccinale d’un patient diabétique en particulier, mais du pourcentage de patients diabétiques non vaccinés. Les généralistes ont aussi des données sur la couverture vaccinale de leurs patients dans leur baromètre. En rassemblant le tout, on définit et atteint des objectifs communs.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Manon : Bien que nous n’en soyons qu’au début, nous aimerions identifier des indicateurs supplémentaires. Nous prévoyons aussi de proposer cette année un baromètre numérique interactif aux pharmaciens, afin qu’ils identifient d’un clic les patients concernés, par exemple. En fait, nous posons aujourd’hui une première pierre angulaire. Le PHM devrait, à l’avenir, être intégré dans chaque projet de soins pharmaceutiques et servir de base à de nouveaux services tels que la médecine personnalisée. Il s’agit donc d’une approche plus holistique.

Marie : Nous devons aussi faire comprendre aux autorités qu’il reste beaucoup à faire pour rendre cette réforme possible, mais en tant que pharmaciens, nous pouvons être fiers d’assumer notre rôle de pionnier avec les médecins généralistes !

(1) Partenaires de ce consortium sont la KULeuven, le Cebam (Centre belge pour l’Evidence-based Médecine), l'ACHG (Centre académique de médecine générale), le BAF, Zorgzaam Leuven et FarmaFlux.


Dernière mise à jour le 02/04/2024

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