18 septembre 2024

Prédire la grippe grâce aux données des pharmacies ?

Ne serait-il pas formidable de pouvoir utiliser les données des pharmacies pour prédire une épidémie de grippe ? Au Portugal, la surveillance de la grippe en temps réel est déjà une réalité et FarmaFlux envisage d’en faire autant en Belgique.

On le sait, le virus de la grippe revient chaque année et peut nous contaminer plusieurs fois dans la saison. Pouvoir prédire une épidémie serait donc utile tant pour la première ligne que pour les hôpitaux. En effet, une telle information leur permettrait d’anticiper et de se préparer correctement (stocks suffisants, personnel,...). Au Portugal, un projet innovant utilise l’analyse de données, en surveillant les délivrances OTC dans les pharmacies. Cette initiative a été lancée par l’Association nationale des pharmacies (ANF) en collaboration avec l’une des associations de médecins généralistes du Portugal. 

Le rôle des données

Ruben Pereira (Data Scientist au Centre for Health Evaluation & Research/ Infosaúde, Association nationale des pharmacies au Portugal) explique : « Le projet utilise les produits OTC comme indicateurs précoces d’une épidémie de grippe imminente. Les citoyens achètent en effet ces produits au moment où ils présentent les premiers symptômes, c’est-à-dire avant de consulter un médecin. En analysant la délivrance des médicaments pour des symptômes tels que la toux et la fièvre, il a été constaté que l’on pouvait prédire les épidémies de grippe deux semaines avant qu’elles n’atteignent leur pic au sein de la population. En d’autres termes, le modèle HiCorr-Flu établit une corrélation entre l’augmentation de la délivrance de médicaments en vente libre et les pics consécutifs de consultations médicales pour une grippe. »

Anticiper

« En prévoyant un pic à temps, nous pouvons anticiper l’impact d’une épidémie de grippe sur les pharmaciens, les médecins, les centres de santé et les hôpitaux. » Ces résultats sont d’une grande importance car ils démontrent le rôle de la pharmacie d’officine dans la santé publique et, ce faisant, permettent également d’agir en amont pour faire face à l’impact sanitaire de l’épidémie. Le modèle HiCorr-Flu se caractérise aussi par sa capacité à fournir des informations sur l’activité épidémique aux niveaux local, régional et national, ce qui est fondamental pour adapter les mesures en fonction de chaque zone. »

Heatmap Fr

Plus de données, plus de prédictions ?

À la question de savoir s’il est possible de prédire un pic, par exemple deux mois à l’avance, Ruben répond qu’il faut bien sûr déjà commencer par observer une certaine forme de contagion, qui incite les gens à acheter des sirops contre la toux et des antipyrétiques. Il estime la prédiction possible à condition d ’ajouter des données sur les conditions météorologiques et le climat (effet El Niño) ainsi que des informations relatives à la situation sanitaire mondiale, par exemple la circulation d’un virus de la grippe en Australie, etc.

# mainquote #

Collaboration et données en temps réel

L’une des principales innovations de ce projet est la collaboration avec les pharmacies locales et les médecins généralistes. Ruben : « Nous travaillons en étroite collaboration avec les pharmaciens locaux, qui sont essentiels à la réussite du modèle en raison de leur interaction directe avec le public. Avant, les médecins devaient attendre des semaines avant d’obtenir les résultats du labo. Aujourd’hui, ils ont un accès quasi instantané aux données de santé, ce qui leur permet de réagir plus rapidement aux flambées de grippe. Après tout, 97 % des pharmaciens officinaux sont membres de l’ANF et 83 % d’entre eux nous envoient leurs données en temps réel ». Il est prévu d’affiner et de développer les modèles prédictifs pour des applications potentielles allant au-delà de la surveillance de la grippe. Ruben : « Nous envisageons d’utiliser ce modèle pour le suivi d’autres maladies, ce qui pourrait constituer un système complet de monitoring de la santé. » Il souligne également que toutes leurs procédures sont conformes au RGPD.

Financement public

En termes de financement, l’ANF a d’abord approché, sans succès, la firme pharmaceutique qui détient le quasi-monopole des vaccins au Portugal, afin de l’impliquer dans une campagne de sensibilisation et d’interagir avec les pharmacies par son intermédiaire. Finalement, cette campagne vers le grand public a été lancée en collaboration avec les autorités. Selon Ruben, les contacts fréquents avec celles-ci ont contribué au remboursement de la vaccination contre la grippe et la COVID-19 en pharmacie.

Modèle potentiel

Ce projet de surveillance de la santé publique au Portugal illustre le potentiel de l’utilisation des données de délivrance des médicaments pour prédire les épidémies. En intégrant l’analyse des données en temps réel dans la stratégie de santé publique, le Portugal ouvre la voie à une gestion plus proactive de la santé et à une réponse plus rapide aux épidémies. Au fur et à mesure de son développement, le projet promet non seulement d’améliorer la santé publique au Portugal, mais il pourrait également servir de modèle ailleurs. Ruben : « Nous aimerions échanger nos idées avec d’autres pays afin que chacun puisse aller de l’avant.”

 


Dernière mise à jour le 18/09/2024

Suivez-nous sur...

nos canaux de médias sociaux. Restez au courant des dernières innovations dans le secteur de la santé, des gadgets technologiques, etc.