10 novembre 2023
Les chiffres hallucinants sur le nombre de Belges prenant des somnifères ont conduit au programme de sevrage progressif des benzodiazépines et apparentés (Z-drugs) dans les pharmacies en début d’année (voir aussi notre article de blog sur ce sujet avec Dr Inge Declercq, experte du sommeil). Au départ, il s’agissait d’un projet pilote concernant 600 à 900 patients pour un budget de 150 000 euros. Ce dernier a toutefois été rapidement épuisé, raison pour laquelle il a été décidé dans la foulée de débloquer un budget supplémentaire. À la fin du mois d'octobre, plus de 4500 patients essaient, avec leur pharmacien, d’arrêter les somnifères à l’aide d'un des trois programmes (en 5, 7 ou 10 étapes).
A l'arrière de gauche à droite: Thibault Molleman, Claire Molleman, Ingrid De Coster et devant de gauche à droite : Marie Lemey, Jolien Saelens et Louise de Brabant
Nul ne connaît mieux ses patients qu’un(e) pharmacien(ne), qui entretient avec eux un lien de confiance et est donc la personne la mieux placée pour les accompagner. C’est ce qui ressort clairement de notre conversation avec Ingrid De Coster, pharmacienne chez Molleman-De Coster à Ruiselede. Cette pharmacie suit actuellement pas moins de neuf patients. Ingrid De Coster nous explique : « L'un d'entre eux a été redirigé par son généraliste, mais nous avons interpellé nous-mêmes les huit autres. Certains avaient déjà tenté d’arrêter progressivement les somnifères par eux-mêmes, en ne prenant qu'une demi-pilule, sans grand succès. »
« Le problème, c’est que les médecins ne savent pas toujours remplir correctement le formulaire de convention entre le médecin, le patient et le pharmacien. Heureusement, nous habitons ici un petit village, les médecins vivant dans un rayon de 100 mètres. Notre fils Thibaut, qui est notre assistant, peut donc passer les voir pour compléter le document. Il nous arrive aussi souvent de recevoir une ordonnance n'indiquant pas la dose complète. »
« Actuellement, deux personnes en sont à leur avant-dernière étape ; deux autres, à leur dernière étape, ont atteint un sevrage des somnifères en dix mois. Pour l'un de ces patients, le médecin a prescrit un placebo au lactose. Le patient était au courant, mais avait du mal à se faire à l'idée de stopper totalement la prise de pilules. »
« En réalité, nous donnons toujours des conseils aux personnes qui viennent chercher des somnifères et nous engageons chaque fois la conversation. Parfois, il s'agit d'une personne qui boit du café ou du cola jusque tard dans la soirée, à qui nous conseillons alors de passer au déca ou aux sodas sans caféine, car cela peut déjà aider un peu. »
« Le problème reste toutefois qu’on prescrit encore trop facilement des somnifères comme médicaments inoffensifs, sans informer suffisamment le patient des effets secondaires et du risque d'accoutumance. Cela arrive aussi avec les analgésiques. C’est sûr, un Tramadol agit plus vite qu'un paracétamol, mais c’est un peu comme utiliser un bazooka pour tuer une mouche alors qu’une tapette à mouches fait très bien l'affaire. Heureusement, les médias ont sensibilisé à la question toutes les personnes concernées. »
Pour conclure, Ingrid De Coster indique que, jusqu'à présent, aucun de leurs patients n'a interrompu le programme de sevrage progressif : « Nous poursuivons bien sûr le suivi et nous avons déjà indiqué qu'en cas de problème, les patients ne doivent pas hésiter à passer nous voir. Et puis, ce serait beau si chaque pharmacie pouvait accompagner neuf patients. Ensemble, nous pourrions faire une fameuse différence ! »
Sur le site de l'APB, en plus des conseils mentionnés ci-dessus, vous trouverez une section FAQ comprenant entre autres une série de questions reçues de collègues pharmaciens impliqués dans le programme de sevrage progressif.
Dernière mise à jour le 10/11/2023
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