04 novembre 2024

L'impression 3D en évolution constante

Presque chaque année, l’APB accompagne un étudiant en stage travaillant sur le projet d’impression 3D de médicaments. Wan Pok Liu et son maître de stage Magali Van Steenkiste commentent leurs recherches de l’année écoulée.

Magali Van Steenkiste, pharmacienne experte à l’APB : « À l'APB, nous suivons de près la technique d’impression 3D. Elle offre en effet une possibilité de préparation innovante, qui pourrait avoir un avenir en officine dans le cadre de la thérapie personnalisée. Nous nous sommes réunis avec l’Université de Liège pour choisir un sujet de recherche qui non seulement présente un intérêt académique, mais qui pourrait également être utile en pharmacie et, à terme, pour le patient.

L’acétate de fludrocortisone (FCA)* nous semblait un bon cas d’étude, car il n’existe actuellement que sous forme de préparation magistrale et présente deux défis : le dosage très faible de la substance active (0,1 mg), rendant difficile l’obtention d’une préparation homogène ; et la nature adhésive de la poudre, qui entraîne des pertes, par exemple en se collant aux bords du mortier. C’est pourquoi le Formulaire Thérapeutique Magistral (FTM) recommande de surdoser deux fois à hauteur de 5 % lors de la préparation : une fois lors de la trituration et une fois lors de la confection des gélules. »

*Le FCA est utilisé dans le cadre de maladies telles que l’hypotension orthostatique chez les personnes âgées (chute de la pression artérielle en position debout) et la maladie d’Addison (production insuffisante des hormones aldostérone et cortisol).

Étude

C’est Wan Pok Liu, étudiant en deuxième année de master en développement de médicaments à la KU Leuven, qui a réalisé à la fois la préparation magistrale de FCA et la préparation imprimée en 3D, avant de les comparer. Magali : « La première étape consistait à réaliser une trituration de la cortisone, qui consiste en fait à diluer avec du lactose pour réduire les erreurs de pesée en cas de petites quantités. De même, la matière première que nous utilisons lors de la technique d’impression 3D utilisant un filament appelée « Modélisation par Dépôt Fondu » (FDM) –– n’est en réalité pas un médicament pur, mais un mélange du produit actif avec des polymères pour former un fil. » Pour chaque préparation, la teneur et l’homogénéité ont été déterminées.

Wan Pok : « Ce filament a été créé par l’Université de Liège** via la technique d’extrusion à chaud (HME) (voir photos 1 et 2). La deuxième étape était la confection des gélules préparées magistralement et des comprimés imprimés en 3D (printlets). Dans ce contexte, j’ai surtout examiné les écarts possibles dans la reproductibilité des deux méthodes et évalué les paramètres de qualité – l’uniformité de la masse et la teneur. »

**Laboratoire de Technologie Pharmaceutique et Biopharmacie, Département de Pharmacie, Prof. Brigitte Evrard et Dr. Anna Lechanteur

Extruder 2 Foto's
Photos 1 et 2 : création du filament dans l’extrudeuse à chaud (HME) – © Université de Liège

Chercher une explication

Wan Pok : « Les pertes les plus importantes lors de la préparation magistrale se produisent principalement lors de la fabrication des gélules et moins lors de la trituration. Concernant l’impression en 3D, à ce stade, les pertes de FCA surviennent principalement lors de la production du filament et moins lors de l’impression. On ignore encore la raison précise pour laquelle ces pertes surviennent, malgré la pesée correcte de la poudre. Peut-être est-ce dû à un mélange trop peu homogène dans l’extrudeuse à chaud, ce qui peut entraîner une répartition inégale du médicament dans le filament. Différentes formulations polymériques sont en cours de développement à l’ULiège. Des recherches plus approfondies sont nécessaires pour identifier et résoudre la cause de ces pertes. »

Avantages et désavantages

Magali ajoute : « En effet, on va se pencher sur ce problème, mais si l’on sait qu’il est systématiquement question de 5 % de perte, par exemple, nous pourrions compenser par un filament plus fortement dosé, tout comme lors de la trituration. Les poudres de corticoïdes ont la propriété de coller dans l’extrudeuse. Néanmoins, le gros avantage de l’impression 3D est que le filament peut servir de matière première standardisée pour tous les pharmaciens, puisqu’il est produit en grande quantité et sa teneur effective peut être déterminée avec précision. Par contre, avec la trituration, effectuée par chaque pharmacien individuel sans contrôle, il peut y avoir beaucoup plus de fluctuations. L’inconvénient de l’impression est que pour le filament, nous sommes tributaires des universités, voire de l'industrie. Leur production dans les officines n’est pas envisageable. »

Autre défi posé par l’impression : les températures élevées – tant pendant la préparation du filament (160 °C) que lors de l’impression (180 °C) –peuvent entraîner une dégradation de l’ingrédient pharmaceutique actif (IPA). Ces paramètres de température sont également modifiables.

Conception et tests

Wan Pok : « J’aimerais expliquer brièvement comment j’ai conçu les printlets. Pour ce faire, j’ai utilisé Tinkercad, un logiciel de conception 3D, et Cura, un slicer avec lequel j’ai ajusté et optimisé les paramètres d’impression comme la température, la vitesse et les motifs d’impression ainsi que l’extrusion. J’ai également effectué des tests pour comparer la vitesse de dissolution des printlets et des gélules. Comme le printlet 3D se dissout souvent trop lentement, un printlet cylindrique et un autre en forme de ‘mini-gaufre’ ont été imprimé (voir photos). Mes tests ont démontré que les gélules et les ‘mini-gaufres’ répondent aux exigences de la Pharmacopée américaine pour les comprimés FCA, avec 80 % de la quantité étiquetée libérée en 30 secondes. La forme de ‘mini-gaufres’ développée à l’ULiège pourrait également être idéale pour les personnes qui ont des difficultés à avaler, car elles se croquent facilement. »

   3 D Cilindervormige + Wafelvormige Printlet
Printlet cylindrique et printlet en forme de « mini-gaufre »

Analyse et conclusion

Une analyse plus poussée a confirmé que les gélules et les « mini-gaufres » imprimées répondaient également aux exigences de la Pharmacopée européenne et du FTM en termes de teneur et d’uniformité de la masse, et se conformaient aux normes de préparation. Wan Pok conclut que l’impression 3D permettrait un gain de temps aux pharmaciens en personnalisant les médicaments grâce à l’impression de différentes doses en un seul lot. Cela pourrait être utile dans le cadre des schémas de sevrage progressif, s’agissant de doses de plus en plus faibles, ce qui demande beaucoup de main-d’œuvre lors des préparations magistrales et peut entraîner plus rapidement des erreurs. Il considère également l’impression 3D comme une solution aux médicaments orphelins onéreux que l’industrie pharmaceutique ne produit souvent qu’en très petites quantités.

Magali conclut : « Nous avons pu démontrer que les printlets sont d’une qualité au moins égale à celle des gélules et présentent l’avantage d’être plus faciles à avaler et personnalisables. Pour obtenir de meilleurs printlets, nous devons améliorer le filament, car une impression 3D correcte dépend d’un filament correct. C’est pourquoi nous travaillons avec l’Université de Liège, qui poursuivra ses travaux sur la base de nos résultats. »

L’impression 3D se développe progressivement comme une alternative viable à la préparation des médicaments, en particulier dans le contexte des pharmacies d’officine. Dans notre prochain article de blog, nous donnerons la parole à Anna Lechanteur de l’Université de Liège, qui nous en dira plus à ce sujet.

Pour en savoir plus sur l’impression 3D, visitez notre site en tapant le mot-clé « 3D ».


Dernière mise à jour le 04/11/2024

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