Il est bien connu que l’impression 3D est souvent utilisée pour les objets du quotidien et les appareils médicaux. Mais saviez-vous que c’est aussi utilisé comme un moyen alternatif de produire des médicaments ? Nous donnons la parole à Jan Saevels, directeur scientifique à l’APB et Evelyne Dewulf, pharmacienne et Platform Manager au Service de Contrôle des Médicaments g (SCM) de l’APB pour en savoir plus.
Incompressible
Jan Saevels déclare : « Aux États-Unis, le gouvernement a approuvé un médicament imprimé en 3D. Le Spritam est un antiépileptique qui présente une charge médicamenteuse très élevée et contient peu d’excipients, et qui ne peut donc pas être comprimé. Une production commerciale de comprimés à grande échelle passe, en temps normal, par la compression rapide de la masse de poudre ».
Au-delà du gélulier
Saevels poursuit : « Une imprimante 3D est intéressante pour les préparations personnalisées (magistrales) en pharmacie en guise d’alternative à la méthode conventionnelle, où les matières premières sont pesées et mélangées en un mortier et où des dizaines de gélules sont ensuite remplies en une fois à l’aide d’un gélulier. Dans certaines préparations à très faibles dosages, la pesée et le mélange sont toutefois des opérations délicates, et nous pensons qu’une imprimante 3D peut avoir un effet bien plus rentable. Tel est aussi le cas d’un pharmacien qui ne doit fabriquer que 2 gélules avec une même dose, par exemple 2 x 10 mg, 2 x 9 mg, etc. Une telle préparation est très exigeante en main-d’œuvre et donc coûteuse. Avec une imprimante 3D, cela peut être fait beaucoup moins cher. »
Le filament comme matière première
L’une des techniques d’impression 3D, appelée « Fused Deposition Modeling » (FDM), utilise pour matière première un filament (une sorte de fil blanc). L’APB a récemment entamé une collaboration avec l’Université de Gand, qui s’occupera de la production de filaments. Il est important que le matériau à partir duquel ce filament est fabriqué contienne le médicament dans une matrice biodégradable, c’est-à-dire comestible et avalable.
Comment cela fonctionne-t-il ?
On place le filament sur le haut de l’imprimante, qui devient brièvement liquide après avoir été chauffé à 160 degrés. Le cachet est imprimé couche par couche, le stylet de l’imprimante se déplaçant de gauche à droite et de l’arrière vers l’avant, tandis que la plateforme sur laquelle le cachet est placé s’abaisse progressivement (voir: https://youtu.be/KJq1eyYu8uA).
Des schémas dégressifs magistraux moins chers pour les somnifères ?
Jan Saevels déclare : « L’utilisation chronique de somnifères (benzodiazépines) est actuellement une grande problématique en Belgique. À cela s’ajoute le fait que lesschémas dégressifs – réduisant progressivement la dose – prescrits par les médecins sont relativement complexes et exigent beaucoup de travail de la part du pharmacien. En outre, de telles préparations magistrales ne sont pas remboursées, alors qu’une simple boîte de somnifères est nettement moins chère. C’est pourquoi nous voulons étudier la contribution que l’impression 3D pourrait apporter à la préparation de schémas magistraux avec une réduction progressive de la dose répartie sur une longue période. L’UGent s’affaire pleinement aux essais sur le filament ; nous vérifierons ensuite si le dosage est correct, si aucune dégradation n’est due à la température trop élevée, si le médicament est libéré, etc. À terme, des comprimés orodispersibles pourraient également relever des possibilités. Pour les réaliser, il faudrait trouver des polymères qui absorbent beaucoup d’eau pour produire le filament. »
De nombreux essais restent nécessaires
Evelyne Dewulf ajoute : « Les obstacles restent nombreux. En particulier en termes de qualité, nous n’y sommes pas encore. Les matières premières actuelles répondent en effet à une série de critères, alors qu’il n’en existe pas encore pour le filament. Le filament et les cachets imprimés en 3D doivent absolument être de qualité suffisante pour être administrés à l’homme. La stabilité et la qualité devront donc encore faire l’objet de tests approfondis. Il reste aussi du chemin à parcourir en ce qui concerne les aspects administratifs, comme le remboursement de tels médicaments imprimés en 3D ».
Les avantages de l’impression 3D
- Médicaments personnalisés : dose exacte et ajustable quotidiennement
- Possibilité de créer des posologies complexes
- Fabrication de médicaments qui libèrent leur principe actif lentement (retard/longacting) ou rapidement (les comprimés orodispersibles)
- Pratique pour les patients polymédiqués : ils n’ont plus besoin d’avaler 6 pilules différentes, mais une seule.
Désavantages
Il n’y a pas d’inconvénients réels, l’investissement de 1200 € pour un petit modèle ou de 2500 € pour un modèle plus grand est à la portée d’un pharmacien. Bien sûr, les matières premières devront être à leur disposition sous forme de filaments, mais pour l’heure, on ignore encore qui s’en chargera et à quel prix.
Une perspective lointaine
Lors du salon « Pharmanology » qui s’est tenu en octobre dernier, de nombreux pharmaciens ont en tout cas manifesté de l’intérêt pour l’impression 3D et étaient conscients de son potentiel. Il s’agit d’une évolution qu’il faut assurément suivre, surtout si l’on veut se spécialiser dans les préparations magistrales. En revanche, imprimer soi-même des pilules à domicile, comme le montrent certaines vidéos, ne nous semble pas du tout une bonne idée.
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