Photo : ©Aurelie Gouverneur
Une des techniques d’impression 3D est la Modélisation par Dépôt Fondu (Fused Deposition Modeling - FDM), qui utilise un filament (polymères auxquels une molécule active est ajoutée, produit par extrusion à chaud). Anna Lechanteur explique : « L’idée est d’utiliser cette technologie pour la médecine personnalisée afin de pouvoir modifier soit la molécule active, soit la dose, soit la forme, en fonction du patient. Cette solution est par exemple utile pour les enfants, car il est difficile à l'heure actuelle avec les spécialités sur le marché d’avoir des dosages adaptés aux enfants, sans compter qu’ils ont souvent du mal à avaler des comprimés ou gélules. Les autres grands intérêts concernent l’impression de formes très faiblement dosées ou encore l’impression de doses dégressives (sevrage). »
« Actuellement, dans le cadre d’un projet de recherche, nous avons développé des ‘mini-gaufres’ à l’aide de l’impression 3D pour des enfants atteints de la maladie d’Addison (insuffisance surrénalienne) qui doivent prendre des gélules trois fois par jour. Comme ces gélules contiennent une faible dose d’hydrocortisone (2 à 5 mg), cela peut entraîner des problèmes de qualité lors de la préparation magistrale. Grâce à l’impression 3D, nous pouvons améliorer la qualité et ces mini-formes imprimées en 3D pourraient être intégrées à la nourriture, permettant ainsi aux enfants de les avaler sans problème. Nous espérons mener bientôt une étude clinique en utilisant ces mini-formes en collaboration avec le CHU de Grenoble. »
« Pour le projet collaboratif avec l’APB (voir article de blog du xx), nous avons développé un filament contenant de l’acétate de fludrocortisone, qui pourrait servir d’alternative à la préparation magistrale : le dosage par gélule est extrêmement faible et variable (±0,1 mg). En possédant un filament homogène, nous pouvons des doses extrêmement précises et adaptées spécifiquement à un patient. L’uniformité de la masse – et donc la teneur en ce corticoïde dans la forme imprimée – est conforme. La vitesse de dissolution du principe actif est similaire aux gélules contenant de la poudre de matière active. »
(Photo : FABRx)
« Cependant, nous rencontrons encore des problèmes de qualité avec les filaments, principalement en raison des températures élevées que nécessite l’étape d’extrusion et d’impression. Il existe néanmoins trois solutions possibles : utiliser des polymères avec une température de fusion plus basse ; imprimer à température plus basse, ce qui semble possible avec notre imprimante spéciale pour médicaments (voir photo) ; et enfin, augmenter la vitesse d’impression, ce qui réduit le temps d’exposition de la molécule active à la chaleur et améliore la qualité. »
Anna tient également à mentionner une autre technique d’impression, à savoir l’extrusion semi-solide (Semi-solid extrusion – SSE). Cette technique ne nécessite pas de chaleur et pourrait donc convenir aux substances thermosensibles, mais présente également certains inconvénients. Anna explique : « La formulation est semi-solide (pâte), doit être préparée et introduite dans une cartouche (seringue) de manière précise ce qui exige une formation adéquate du pharmacien. De plus, la stabilité de la substance active peut diminuer en raison de la teneur en eau de cette pâte et le temps de fabrication est plus long. Cette technique présente toutefois l’avantage d’une libération très rapide de la substance active. Cependant, pour une libération lente et une précision plus élevée, la FDM est plus appropriée. Les deux techniques sont potentiellement complémentaires et pourraient, à l’avenir, être combinées pour pouvoir produire des formes orales solides sur mesure. »
« Les pharmaciens se heurtent à un obstacle majeur : les imprimantes 3D disponibles sont soit trop chères soit d’une qualité pharmaceutique inférieure aux normes. Il faudrait développer une imprimante à la fois abordable et offrant la qualité requise. Il pourrait s’agir d’un investissement bénéfique pour les pharmaciens (hospitaliers). »
« En ce qui concerne la réglementation, de nombreuses questions restent en suspens, notamment concernant le statut des filaments. Sont-ils considérés comme une substance active ou un produit intermédiaire ? La Pharmacopée européenne se penche actuellement sur la manière d’évaluer la qualité du produit final, les imprimantes doivent également encore évoluer, nous devons disposer de plus de preuves de concept, etc. En outre, il faudrait bien sûr informer correctement les patients et les médecins. »
Anna conclut que l’impression 3D pourrait révolutionner la façon de traiter en termes de médecine personnalisée même s’il reste des obstacles à surmonter en matière de réglementation et de développement technologique. Il est actuellement difficile de prédire combien de temps il faudra avant que l’impression 3D puisse être largement utilisée en pharmacie et perçue comme une nouvelle méthode de fabrication.
Dernière mise à jour le 20/11/2024
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