Isabelle Fovel, RWE Lead chez BeLux AstraZeneca, nous explique l’importance croissante du Real World Evidence (RWE) ces dernières années, au bénéfice des patients.
Si les essais cliniques randomisés (ECR) restent la principale source de données pour évaluer les médicaments, les données empiriques (Real World Evidence, RWE) sont aussi de plus en plus demandées et utilisées en complément.
Etudes cliniques contre ‘le monde réel’
Isabelle Fovel, nous donne un mot d’explication sur ces deux termes : « Dans un essai clinique, le groupe de patients est très strictement délimité par des critères d’inclusion et d’exclusion, afin d’en tirer les bonnes conclusions. Dans une étude randomisée, les patients sont divisés « au hasard » en groupes de traitement (par exemple, un groupe reçoit un placebo et l’autre le médicament). Comparer ces groupes permet de déterminer, par exemple, lequel présente de meilleurs résultats. Les autorités approuvent les médicaments sur la base de ces essais. Mais où ils ne répondent pas à toutes les interrogations, les données empiriques permettent de répondre à certaines questions. Par exemple, si le meilleur contrôle de la maladie ou meilleure qualité de vie démontré par l’essai se retrouve aussi en dehors ? »
Etude de cas sur l’insuffisance cardiaque
Pendant deux ans, la pandémie de COVID-19 a relégué les autres maladies au second plan. Et pourtant… Prenons l’insuffisance cardiaque (IC) : 1 personne sur 10 âgée de plus de 65 ans risque d’en souffrir, 14 % des hospitalisations non planifiées dans notre pays y sont liées et le nombre de patients atteints devrait doubler d’ici à 2040. Si nous voulons changer la donne, il est important d’utiliser les données pour mieux comprendre, puis de s’engager dans la prévention, le pharmacien jouant aussi un rôle important à cet égard.
Une vaste étude internationale est actuellement menée par l’UE et la Société européenne de cardiologie sur 26.000 patients dans 33 pays. Comme malheureusement aucun patient belge n’y est intégré, il est donc nécessaire de compléter les données de l’essai clinique par des données empiriques vu que les patients n’ont pas le même profil d’un pays à l’autre.
Des données belges
Isabelle: « Nous avons donc dû chercher des données sur les caractéristiques de ce patient : quel âge a-t-il, quelles sont ses comorbidités, à quelle fréquence est-il hospitalisé, etc. Nous avons opté pour une coopération avec LynxCare et l’hôpital Onze Lieve Vrouw d’Alost. La technologie de LynxCare a rassemblé des données provenant de plus de 10 bases de données hospitalières, les a pseudonymisées pour être conformes au RGPD, et les a rassemblées dans un entrepôt de données (data warehouse) validé. Ces données sont visualisées dans des tableaux de bord qui permettent d’améliorer les soins aux patients, de s’engager dans l’analyse comparative, de participer à des études (inter)nationales sur les données empiriques et d’identifier les patients à recruter pour des essais cliniques (voir illustration).
Avantages des données empiriques
Isabelle: « Grâce à cette étude , nous avons pu démontrer que le patient belge souffrant d’IC est comparable au patient de l’étude internationale susmentionnée. Il est plus âgé, ce qui est positif, mais il est légèrement moins bien loti, car il souffre davantage de comorbidités.
Le rôle des pharmaciens
Isabelle: «Les pharmaciens y peuvent jouer un rôle très important. Ils peuvent attirer l’attention des patients sur l’adhésion thérapeutique ; grâce au DPP, ils ont un aperçu de l’automédication du patient, etc. Le pharmacien peut alors s’entretenir avec le patient et vérifier s’il y a un problème. Si nécessaire, il peut le renvoyer vers un médecin généraliste et/ou spécialiste. »
L’avenir
Isabelle: « Imaginez la valeur ajoutée qu’aurait une véritable vue d’ensemble de votre patient, obtenue en reliant différentes sources de données, par exemple de la pharmacie ou hospitalières, pour établir un lien entre diagnostics/admissions et consommation de médicaments. Mais il y a encore du pain sur la planche, en particulier autour de l’accès aux données, du RGPD et de la transparence. Il reste aussi à instaurer la confiance et à démontrer qu’analyser les données de la bonne manière est dans l’intérêt de tous. Vu que beaucoup de personnes ne souhaitent pas partager leurs données de santé anonymisées, il faut leur montrer qu’on peut contribuer de manière totalement anonyme à sauver la vie d’autres personnes ! »
Source :
Real-life use cases : The value of real world evidence in heart failure for hospitals and life sciences explained.
Cet article est paru en version exhaustive dans le magazine des pharmaciens Nouvelles Brèves d’avril 2022.
Suivez-nous sur...
nos canaux de médias sociaux. Restez au courant des dernières innovations dans le secteur de la santé, des gadgets technologiques, etc.