Petit rappel : la FIP est l’association mondiale des pharmaciens, au sein de laquelle l’APB représente la Belgique. Son congrès annuel a rassemblé autour de 106 conférences pas moins de 3.350 pharmaciens venus des 4 coins du monde (97 pays, plus précisément).
La présentation de Michael Storme, notre vice-président, a porté sur les indisponibilités. A ce sujet, la Belgique compte parmi les meilleurs élève européens. Bien sûr, nous connaissons aussi des indisponibilités, mais nous gérons plutôt bien la situation. Nous sommes d’ailleurs l’un des rares (voire le seul ?) pays de l’UE à avoir développé une réponse concrète autour des 5 lignes directrices du Groupement Pharmaceutique de l’Union européenne (GPUE)*, qui sont : développer des systèmes de gouvernance efficaces, garantir la disponibilité, élargir les compétences professionnelles, améliorer la communication et compenser l'impact financier. Chose unique chez nous : dès janvier, les coûts supplémentaires pour les patients occasionnés par les indisponibilités seront pris en charge par un « fonds de solidarité » du secteur.
Outre une explication appréciée de Jan Saevels (directeur du CDSP) sur le Programme de sevrage progressif des benzodiazépines, l’APB a présenté deux posters : l'un sur la vaccination antigrippale en officine et l'autre sur le Programme de Qualité des Préparations, qui nous a valu il y a quelques années le Practice Improvement Award décerné par la FIP. Jan espère qu’au prochain congrès annuel de la FIP, les posters seront numériques, un format plus pratique pour les questions et échanges via la boîte de dialogue (chatbox) d’une application (comme pour les présentations disponibles en ligne et offrant cette fonctionnalité).
Innovation oblige, l'IA était sur toutes les lèvres durant le congrès. L’exemple du robot Anna a attiré l’attention de Magali Van Steenkiste, pharmacienne-experte à l’APB. Ce robot est entièrement contrôlé par l'IA et a été conçu par un groupe de médecins hommes (!) pour s'attaquer à des problèmes typiquement féminins. Cette plateforme gratuite offre un espace d'interaction et de questions, s'appuie sur la littérature scientifique et permet de prendre rendez-vous avec les prestataires de soins appropriés. En tant que scientifique, Magali s’interroge sur les données incluses et leur fiabilité : y a-t-il des biais, les antécédents des patients sont-ils pris en compte, et qui est responsable de ces données et des diagnostics qui en découlent ? De plus, la question se pose de savoir si le système est auditable et traçable, et s’il est en conformité avec la réglementation en vigueur. Elle a également des préoccupations éthiques concernant la protection des données fournies par les patients.
D'autre part, selon Magali, les chatboxes en IA peuvent jouer un rôle important dans l'autonomisation des patients. Elles ont une valeur éducative, sont très accessibles, disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, et ont un caractère personnel. En outre, elles peuvent être intégrées à d'autres services de santé afin de contribuer, avec l'aide des professionnels de la santé, à l'amélioration des résultats des soins. Michael Storme ajoute que la Belgique accuse un fameux retard en matière d'IA et fait même moins bien que certains pays africains, probablement en raison des procédures et de la réglementation strictes qui caractérisent notre pays.
Les différents posters et conférences ont clairement montré que la vaccination en officine contribue dans tous les pays à augmenter la couverture vaccinale. De plus, en tant que personne de confiance facilement accessible pour de nombreux patients, les pharmaciens ont un rôle important à jouer pour contrer la lassitude généralisée à l'égard de la vaccination. L’intention n’est nulle part de remplacer les médecins dans leur rôle de vaccinateur, mais plutôt de travailler en complémentarité. Il est intéressant de noter qu'au Portugal, le système d'enregistrement est plus performant et se présente sous forme d’app (alimentée par les différents prestataires de soins) assurant aux patients un suivi très facile de leur statut vaccinal. L'Italie illustre parfaitement la vitesse avec laquelle les choses peuvent évoluer s’il y a une volonté politique. En 2020, une législation d'urgence y était adoptée, portant sur la vaccination en officine contre la Covid. En mars 2024, elle s’est élargie à tous les vaccins. Peut-être une source d'inspiration pour nos décideurs politiques?
La résistance aux antimicrobiens est également un thème qui attire l’attention mondiale et autour duquel plusieurs projets innovants ont été lancés. Il en va notamment de l'Innovative Medicines Initiative de la Commission européenne, dans laquelle s’inscrit ValueDx, un projet belge dirigé par l'Université d'Anvers. Pour freiner la surconsommation, un autre projet a été développé au Royaume-Uni. Les firmes pharmaceutiques y perçoivent une redevance annuelle pour un médicament dont l’efficacité a été scientifiquement prouvée pour une pathologie donnée, le montant étant indépendant du nombre réel de conditionnements vendus.
Pour conclure sur le sujet, le Sud-Africain Renier Coetzee a présenté une étude australienne sur la prévention de la contamination environnementale par les antibiotiques. Là-bas, comme chez nous, les antibiotiques non utilisés sont collectés par les pharmaciens. Pourtant, les résultats d’une étude faisant appel à des pseudo-patients étaient choquants : près de 60 % des pharmaciens ont donné de mauvais conseils lorsqu’on leur demandait que faire des antibiotiques excédentaires, comme par exemple les jeter à la poubelle, dans l'évier ou dans les toilettes.
Pour Jan Saevels, la prescription durable était un nouveau concept , dont on a peu tenu compte jusqu'à présent. Il s’agit de prescrire des médicaments en évaluant leur impact en termes de pollution environnementale. Au Royaume-Uni, un « Eco-Directed Formulary » est en cours de compilation et pourra être consulté par les médecins afin qu’ils privilégient des médicaments respectueux de l'environnement lorsqu’ils rédigent une prescription.
Les pénuries de personnel, de médicaments et la viabilité financière, ainsi que les honoraires trop faibles pour les nouveaux services, semblent poser partout problème. En Espagne, des chercheurs ont tenté d'identifier la valeur ajoutée des pharmaciens en tant que réseau de soins de santé généralisé et d’évaluer financièrement cet impact. Ils ont conclu que les pharmaciens effectuent 262 millions d'échanges-conseils par an sans délivrer de médicaments. Selon leurs calculs, cela permettrait d'économiser 1,7 milliard d'euros en coûts sociaux évités. Pour autant que leur méthode de calcul soit scientifiquement fondée, ce montant peut bien évidemment être présenté aux autorités, comme preuve de l'ampleur des économies dans le secteur des soins de santé réalisées chaque année. Des économies demandées dans tous les pays, semble-t-il !
Le prochain rendez-vous pour le congrès annuel de la FIP est d’ores et déjà pris ! Du 31 août au 3 septembre 2025, l’évènement aura pour thème « Pharmacy forward : Performance, Collaboration, and Health Transformation. »
*PGUE Position paper Medicines shortages in Europe, 2024
Dernière mise à jour le 04/12/2024
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