L'Institut pour un usage rationnel des médicaments (IVM) à Utrecht entreprend de nombreuses activités pour améliorer la qualité, la sécurité et l'accessibilité financière de l'usage des médicaments. Ses conseillers sont principalement des pharmaciens, mais aussi des médecins, des spécialistes en gériatrie et des infirmières. En tant qu'organisation à but non lucratif, l'IVM reçoit une petite subvention du ministère de la santé, qui finance également certains de ses projets. L'IVM emploie une cinquantaine de personnes.
Le problème de l'augmentation de la consommation d'analgésiques opioïdes était l'un de ces projets. Ruud : « Il y a plusieurs années, nous avons soulevé la question de l'utilisation croissante de ces analgésiques auprès du ministère et nous avons élaboré un plan à ce sujet avec les organisations professionnelles, celles des patients, les anesthésistes, etc. Nous procédons toujours de la manière suivante. Tout d'abord, nous travaillons sur l'opinion publique par l'intermédiaire des médias, parce qu’en y prêtant attention, un tel sujet gagnera de la notoriété auprès du grand public. Deuxièmement, nous nous adressons aux prestataires de soins en élaborant du matériel pour les aider à travailler avec ce groupe de médicaments de façon précautionneuse. La troisième composante est l'éducation du public, atteindre le groupe cible, c'est-à-dire les utilisateurs de ces médicaments. Nous réalisons alors des vidéos pour les écrans des pharmacies et des salles d'attente ; nous créons un bon site web où l'on peut trouver des informations actualisées et nous nous adressons aux cliniques d'addictologie où aboutissent les consommateurs problématiques. Enfin, nous essayons de relier toutes sortes d'initiatives locales, de manière à éviter autant que possible les doubles emplois. Ce qui est formidable, c'est qu'en quelques années, nous avons réussi à faire baisser l'utilisation de ces analgésiques opioïdes. »
Outre ces projets, l'IVM diffuse également des informations objectives lors de la mise sur le marché de nouveaux médicaments, afin de faire contrepoids au marketing de l'industrie pharmaceutique. Ruud : « Nous avons une relation d'amour-haine avec eux, car nous contrecarrons ainsi leur modèle d'entreprise, puisqu'ils veulent bien sûr vendre le plus de pilules possible. » L'IVM possède sa propre académie qui organise des formations en ligne et des cours en présentielle pour les prestataires de soins sur toutes sortes de sujets connexes, on lance des campagnes telles que la consommation de médicaments dans la circulation et, en tant que consultant, réalise des audits sur la politique de sécurité des médicaments dans les institutions de soins. L'IVM héberge le service national d'assistance téléphonique pour les incidents liés aux médicaments. Pour le secteur des drogueries, qui est autorisé à vendre des médicaments aux Pays-Bas, l'IVM réalise également des projets de qualité, afin que les droguistes soient mieux formés et qu'ils donnent activement des avertissements sur les risques lorsqu'ils vendent certains produits.
Qu'en est-il des benzos ? Aux Pays-Bas, l'augmentation de leur consommation était déjà un problème dans les années 90. Ils étaient utilisés pour remplacer les barbituriques et semblaient au départ être des médicaments très sûrs et efficaces. Ruud : « Comme il n'y avait pas d'accord sur l'aspect pharmacologique de ces médicaments, à savoir qu'ils présentaient des risques d'accoutumance, de dépendance, de somnolence au volant, etc., nous avons abordé la question sous un angle différent, à savoir la prévention des chutes. Après tout, chaque fracture de la hanche que vous parvenez à prévenir chez les personnes âgées vous permet d'économiser 65 000 euros en frais de chirurgie, etc. Nous avons ensuite élargi cette approche à l'utilisation responsable de ce groupe de médicaments. »
Ruud : « En outre, nous avons déterminé avec les groupes professionnels qu'une utilisation rationnelle des benzos pour les troubles du sommeil est de deux semaines maximum et pour les troubles anxieux de six semaines, et qu'une évaluation doit être faite après cette période. L'étape suivante est d’arrêter ou rechercher une alternative, car à long terme, ces médicaments présentent plus d'inconvénients que d'avantages, ils perdent de leur efficacité et arrêter devient de plus en plus difficile. Communiquer de manière ciblée au public et aux prestataires de soins devient nécessaire. Notre "lettre d'arrêt" que les médecins généralistes ont envoyée à leurs patients pour les sensibiliser à ces inconvénients a déjà permis l'arrêt spontané de 15% des utilisateurs. Les pharmaciens ont également joué leur rôle en établissant des schémas de sevrage et en communiquant bien sur les risques d'une utilisation à long terme. Mais c'est surtout la limitation du remboursement de ces médicaments qui a eu le plus d'effet sur la réduction du nombre d'utilisateurs. »
« Le nombre d'utilisateurs en Belgique est irrationnellement élevé ! Une sorte d'habitude s'est installée chez les médecins et les utilisateurs et elle est, pour ainsi dire, ancrée dans votre culture », explique Ruud. Manon Buyl, experte en pharmacie à l’APB, ajoute que le problème n'a pas été visible en Belgique pendant longtemps parce qu'aucune source de données n'était disponible et que c'est la raison pour laquelle l'ampleur du problème n'est révélée que maintenant. Ruud : « Les données sont effectivement utiles. Nous allons donc motiver les médecins à examiner leur comportement en matière de prescription à l'aide d'analyses comparatives. Par exemple, nous leur montrons que tandis que les médecins de leur région ont 50 patients qui utilisent des benzos depuis trop longtemps, ils en ont 200. Cela peut les encourager à engager une conversation avec leur patient et leur pharmacien. »
Selon Ruud, on peut très bien prédire qui deviendra un consommateur problématique en se basant sur un certain nombre de facteurs sociaux et physiologiques et, à l'avenir, peut-être encore plus en utilisant la pharmacogénétique. En effet, des recherches ont montré que les femmes après la naissance de leur premier enfant et les personnes ayant perdu un être cher ou ayant vécu une expérience traumatisante font partie des principaux groupes à risque de devenir des usagers problématiques.
Ruud : « Nous continuons à rechercher des indicateurs qui soient de bons prédicteurs, afin que le médecin ou le pharmacien puisse rapidement savoir s'il est approprié de prescrire ou de délivrer des benzos à ce patient. Mais pour résoudre ce problème, il faut commencer par réduire les prescriptions. Il faut donc vraiment sévir contre les prescripteurs, car les chiffres belges sont vraiment disproportionnés. »
L'IVM est membre de l'International Medication Safety Network, un programme d'échange international où toutes sortes d'initiatives sont développées sur la sécurité des médicaments basées sur les incidents médicamenteux. La Belgique n'est actuellement pas membre de l'IMSN, mais peut-être devrions-nous l’envisager compte tenu de notre consommation massive de médicaments ?
Dernière mise à jour le 27/06/2023
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